« Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis » (Jn 15,15)
Cette phrase de Jésus à ses apôtres trahit sa confiance et sa tendresse envers eux. Humblement, Il leur a lavé les pieds (Jn 13) pour leur signifier jusqu'où se déploie l'amour : dans l'humble service de nos frères. Etre grand, c'est être petit et serviteur des uns et des autres. A cette condition l'amitié peut naître entre Jésus et nous, entre chrétiens engagés dans un chemin spirituel. Si le Seigneur nous a lavé les pieds, nous avons à faire de même. Voilà la qualité des relations entre baptisés : « voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Ces paroles de Jésus et le contexte pascal témoignent de la gravité, du sérieux et de la profondeur de ce que nous essayons de comprendre et de vivre, particulièrement dans toute relation d'accompagnement.
Jésus cherche à établir une relation forte et intime avec ses disciples et avec nous. Il nous met en alliance avec Lui. S'il nous appelle « amis », c'est qu'il nous fait confiance en nous partageant tout ce qu'Il est et « tout ce qu'Il entendu auprès de son père » (Jn 15,16). Chacun de nous est appelé à passer de l'état de serviteur à la condition d'amis du Seigneur et d'amis dans le Seigneur. Le serviteur est un « exécutant » : son obéissance est concrète et matérielle mais il ne saisit pas l'horizon du salut de Dieu lui-même. L'ami est celui qui entre dans les intentions du Père qui veut sauver toutes ses créatures et nous considérer comme ses amis : il compte sur nous. Il fait confiance à notre liberté pour entrer dans sa mission. Des amis peuvent compter l'un sur l'autre. Le lien d'amitié est enraciné dans la liberté qui consent à cette amitié.
« Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis et institués pour que vous alliez, que vous produisiez du fruit et que votre fruit demeure » (Jn 15,16). Le Seigneur lui-même appelle et invite à « travailler » (Jn 5,17) avec Lui et comme Lui. Cela mérite action de grâce et discernement. La matière de l'accompagnement spirituel est le plus souvent cette recherche des appels du Christ à travers notre vie et ce désir de faire joyeusement la volonté divine. La beauté de l'accompagnement consiste à faire confiance à un autre, dans un lien d'estime et de respect, discerner ces appels et la signification de notre vie sur terre.
Celui qui accompagne n'est ni un « fonctionnaire » de Dieu ni un spécialiste en coaching. Il n'est pas seulement un confident ou un ami de la vie ordinaire. Il est d'abord un « ami » de Dieu qui Le connaît de l'intérieur et qui est rendu capable par son expérience et par grâce d'indiquer le mode d'agir de Dieu. Nous savons que la relation dans l'accompagnement est asymétrique : écouter, accompagner, diriger, conseiller, sont des verbes « actifs » qui caractérisent la mission de l'accompagnateur et qui soulignent une différence entre le baptisé et celui ou celle à qui il se confie. Mais, dans l'Eglise, l'amitié ou l'alliance spirituelle est l'écrin de ces rencontres et dialogues. Pour être accompagné, il convient que surgisse une certaine connaissance de celui qui nous accompagne. L'asymétrie rappelle la relation unique que chacun a avec son Dieu ; l'estime, le respect et l'amitié indiquent que l'accompagnement vise les intentions même du Père qui nous considère comme ses enfants et ses amis dans l'alliance missionnaire avec Lui. L'amitié dilate le cœur dans le respect de ces différences. L'amitié fait grandir la relation personnelle de chacun avec le Christ, le seul et véritable « Ami » fidèle de nos cœurs . Si l'amitié naît, reste présente et peut être heureuse dans la direction spirituelle, c'est à condition de la centrer sur l'amitié avec le Sauveur du monde. Ainsi l'amitié peut-elle fleurir dans l'accompagnement quand ce qui est partagé vient de Dieu et reste en Lui. Ce chemin peut faire de vous de plus en plus des « amis dans le Seigneur ».