la mission de Joseph (dimanche)

dimanche 18 décembre 2022
par  Alain Mattheeuws

Homélie du 18 décembre 2022 (Is 7,10-16 ; Rm 1,1-7 ; Mt 1,18-24)

Mettons-nous à la place de Joseph et entrons dans son drame intérieur. Il est fiancé et marié à Marie. La promesse du mariage a été faite sans qu’ils aient habités ensemble, selon le rite juif. Son amour pour Marie est fort, généreux et pur. Il n’attend que la réalisation de cette promesse dans la cérémonie prévue. Son amour désire l’union conjugale car tout amour désire s’exprimer dans une communion. Et à un moment donné, Joseph s’aperçoit que les circonstances ont changé la donne. Marie est enceinte. Nous ne savons pas s’ils se sont parlé ou s’ils ont compris et partagé les événements. Ce qu’ils attendaient ne peut pas se faire comme prévu : comment assumer cette « nouveauté » dans leur vie ?
Mais Joseph est dépassé par ce qui se passe, alors que son amour et son respect pour Marie restent indéfectibles. Joseph, l’époux de Marie, était un homme juste (ajusté à la volonté divine et désireux de l’accomplir) et ne voulait pas la dénoncer publiquement. Il décida de la répudier en secret car il ne voulait pas qu’elle soit lapidée. L’épreuve est rude pour cet homme bon qui aime Marie. Et Marie ne devait pas être si paisible non plus. Ce n’est cependant ni la révolte qui envahit leur cœur ni la culpabilité qui les pousse à agir : en fait, c’est l’incompréhension du plan de Dieu. Ils sont pris dans un secret qui les dépasse. Ils n’ont certainement pas la maîtrise de toute la situation, dirait-on aujourd’hui. Que faire face aux imprévus de Dieu ? Que faire face aux événements qui ne semblent plus avoir un lien avec nos décisions ? Cette question peut certainement être la nôtre. En effet, quand Dieu agit, nous ne comprenons pas toujours le « pourquoi » ni le « comment » : il nous faut réfléchir, faire confiance, discerner. Il nous faut aussi du temps et observer après l’événement les conséquences de cette action divine et leurs significations. Ou bien il nous faut une « aide » : l’ange est ici l’envoyé de Dieu qui est de bon conseil pour Joseph et qui lui dit en songe que Dieu n’est pas d’accord avec son projet, même respectueux de Marie. Ce que Joseph a cru bon de faire – répudier Marie en secret -, comme Abraham pensait qu’obéir à Dieu c’était sacrifier son fils, n’est pas le plan de Dieu. Le désir de Dieu est une nouvelle mission. Cette mission suppose un renoncement, mais ouvre aussi un horizon tout à fait imprévu.
« Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ». Cette lumière qui surgit dans la nuit, est une grâce. L’ange enlève la crainte du cœur de Joseph, transforme le drame intérieur en libération spirituelle. Il le fait par ces paroles libératrices qui donnent une mission nouvelle à leur relation : la voie d’une union avec Marie reste ouverte. Cette union particulière reste imprégnée d’amour. Elle nous dit combien Dieu aime l’humanité et particulièrement l’homme et la femme que sont Joseph et Marie. Ce mariage – car c’en est un – est imprégné d’un amour mutuel et d’un amour du Seigneur. Cet amour se dilatera dans des dimensions infinies : prendre soin de Dieu lui-même sur la terre. Nous comprenons mieux en les contemplant que chaque couple a une mission particulière reçue de Dieu. Admirons également non seulement la confiance mais l’obéissance de Joseph. Il est appelé à inscrire le Verbe de Dieu dans la lignée de David et accomplir les promesses faites à Israël depuis des siècles. Il participe au salut au monde en donnant un nom à cet Enfant. Le nom de Jésus surgira de sa bouche et le sens de ce nom sera inscrit dans la vie ordinaire de Nazareth et dans tous les temps de l’histoire des hommes. « Tu lui donneras le nom de Jésus : c’est-à-dire « Le Seigneur sauve » ».
En fait, l’attente et la naissance de ce Jésus que nous allons fêter dans une semaine, non seulement dépassent nos espérances, mais s’avèrent être le fruit d’un mode d’agir de Dieu tout à fait original. Que nous disent ces récits lus durant l’Avent sur l’histoire de la venue de l’enfant en ce monde ? Sinon que Dieu est un artiste qui fait bien les choses, lentement et sûrement. Il prophétise son action des siècles à l’avance comme nous l’indique la parole adressée au roi Acaz. C’est Dieu qui donne un rythme à l’histoire d’Israël. Il donne sens aux événements de l’histoire humaine, et particulièrement à ce qui se passe en Israël : « Tout cela arriva pour que s’accomplît la parole du Seigneur annoncée par les prophètes : « Voici que la Vierge concevra et elle mettra au monde un fils, auquel on donnera le nom d’Emmanuel », qui se traduit : « Dieu-avec-nous » ». Les deux noms qui qualifient l’enfant de Marie se répondent l’un l’autre : « le Seigneur nous sauve car il est avec nous ». « S’il est avec nous, lui notre Dieu, nous sommes sauvés par Lui de tout danger et de toute faute ».
Les grâces de Dieu nous dépassent, les anges qui interviennent comme des messagers nous interpellent mais le miracle de Noël ne survient pas sans que la liberté de l’homme ne soit convoquée. Dieu n’entre pas en ce monde sans l’aval de l’être humain. Dieu fait signe. Dieu fait le premier pas, mais il nous revient de consentir à son mode d’agir et à son grand désir de nous sauver tous. Ce qui caractérise la mission de l’apôtre Paul c’est « d’amener à l’obéissance de la foi toutes les nations païennes ». Chacun de nous est convoqué à adorer le Sauveur dans la crèche.
Ainsi l’annonce de la naissance de cet Enfant a une ampleur universelle. Jésus est inscrit selon la chair dans la race de David, mais cette particularité prend toute sa dimension dans l’Esprit Saint, nous dit saint Paul. Le chemin que nous suivons avec Marie et Joseph, dans le concret de leur vie et de leur obéissance, nous conduit vers tous les hommes. Cette naissance annoncée n’est pas un fait divers, une scène romantique, un conte inventé, mais l’événement majeur de toute l’humanité. Dieu se fait chair pour tous. Sa naissance traverse l’espace et le temps : le salut peut toucher désormais tous les hommes. Et notre attente et notre prière sont appelées à se mettre au diapason de ce grand événement dont la simplicité ne peut cacher totalement la grandeur de l’amour de Dieu. En ces quelques jours avant Noël, prêtons attention non pas au scintillement des lumières des commerces, mais à la lumière divine qui envahit nos cœurs. Prêtons attention aux messagers de Dieu qui nous visitent et nous parlent de cette grâce de Noël.